Refus de soins et dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux

Le décret n°2020-1215 du 2 octobre 2020 relatif à la procédure applicable aux refus de soins discriminatoires et aux dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux est paru au journal officiel de la République française le dimanche 4 octobre 2020.

Ce décret définit les modalités de la procédure de conciliation et de sanction en cas de refus de soins discriminatoire pratiqué par un professionnel de santé. Il définit le refus de soins discriminatoires et le barème de sanction applicable par les organismes d’assurance maladie en cas de refus de soins discriminatoires ou de dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux.

Le décret s’applique aux plaintes enregistrées plus de trois mois après sa publication, soit à compter du 4 janvier 2021.

 

Constitution de la commission mixte paritaire de conciliation des kinésithérapeutes (CMPCK) instaurée par l’article L. 1110-3 du code de la santé publique (CSP) :

La CMPCK est composée de 4 membres : 2 désignés par l’organisme local d’assurance maladie (OLAM) et 2 désignés par le conseil départemental de l’ordre (CDO) pour une durée de trois ans, préférentiellement parmi ses membres dont la durée du mandat restant à courir est de trois ans minimum (titulaires et suppléants). L’OLAM et le CDO doivent également désigner 2 suppléants chacun. Les membres titulaires et suppléants de la CMPCK doivent être désignés dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de publication du décret, soit avant la date limite du 4 janvier 2021. Le CDO doit désigner ces membres dans le cadre d’une délibération qui fixera la date de début du mandat de 3 ans. La CMPCK ne peut siéger qu’en formation paritaire de 2 ou 4 membres. La CMPCK doit donc être formée d’un nombre égal de représentants de l’OLAM et du CDO. Les membres qui ont un lien direct ou indirect avec une des parties, notamment familial ou professionnel, ne peuvent siéger. La CMPCK peut faire appel à tout expert ou personne qualifiée. Le secrétariat est assuré par les services de l’organisme qui ont réceptionné la plainte sauf si les deux autorités en conviennent différemment. Il est recommandé au CDO d’assurer le secrétariat des séances et de les organiser dans ses locaux pour une application harmonisée de la procédure sur l’ensemble du territoire évitant ainsi toute rupture d’égalité pour les patients et les professionnels.

Définition d’un refus de soins discriminatoire :

Art. L. 1110-3 CSP : « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins. »

Art. R. 1110-8 CSP : « Constitue un refus de soins discriminatoire, au sens de l’article L. 1110-3, toute pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d’accéder à des mesures de prévention ou de soins, par quelque procédé que ce soit et notamment par des obstacles mis à l’accès effectif au professionnel de santé ou au bénéfice des conditions normales de prise en charge financière des actes, prestations et produits de santé, pour l’un des motifs de discrimination mentionnés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal, ou au motif que cette personne bénéficie du droit à la protection complémentaire en matière de santé prévu à l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale ou du droit à l’aide médicale d’Etat prévu à l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles. »

Art. 225-1 code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales sur le fondement de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de la grossesse, de l’apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme, du lieu de résidence, de l’état de santé, de la perte d’autonomie, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. »

Art. 225-1-1 code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés. »

Art. R. 4321-58 CSP : Le masseur-kinésithérapeute doit écouter, examiner, conseiller, soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur couverture sociale, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne soignée.

Art. R. 4321-80 CSP : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le masseur-kinésithérapeute s’engage personnellement à assurer au patient des soins consciencieux, attentifs et fondés sur les données actuelles de la science. »

Art. R. 4321-92 CSP : « La continuité des soins aux patients doit être assurée. Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, le masseur-kinésithérapeute a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il en avertit alors le patient et transmet au masseur-kinésithérapeute désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »

 

CMPCK compétente :

La CMPCK est composée de deux représentants de l’OLAM dans le ressort de laquelle est installé le professionnel à la date de sa saisine et de deux représentants du CDO au tableau duquel est inscrit le professionnel à la date de sa saisine. Si le professionnel exerce sur deux lieux d’activité dans deux départements distincts, il convient de choisir la CMPCK du département dans lequel est situé le cabinet principal.

 

Forme de la plainte :

La plainte doit mentionner l’identité et les coordonnées du plaignant, indiquer des éléments permettant d’identifier le professionnel et décrire les faits reprochés.

 

L’auteur de la plainte :

La personne qui s’estime victime d’un refus de soins discriminatoire ou toute association agréée ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades, conformément à l’article L. 1114-1 du CSP.

 

Gestion de la plainte par la CMPCK :

Sous 8 jours, l’organisme destinataire de la plainte, le CDO ou l’OLAM, en accuse réception auprès de son auteur et la transmet à l’organisme qui n’en a pas été destinataire et au professionnel de santé.

L’organisme destinataire de la plainte peut, dans le mois qui suit sa réception, convoquer le professionnel. Un relevé de l’audition doit dans ce cas être établi par l’autorité et transmis à la commission.

Le secrétariat de la CMPCK convoque les parties à une séance de conciliation par tout moyen permettant de donner date certaine à la réception de la convocation (LRALR ou AR électronique) au moins 15 jours à l’avance.

Il est ici important de noter que la conciliation doit être organisée dans les trois mois suivant la réception de la plainte.

La mise en œuvre de la procédure de conciliation prévue par le présent décret exclut de fait l’application de la procédure de conciliation prévue à l’article L. 4123-2 (rendu applicable aux masseurs-kinésithérapeutes par l’article L. 4321-19 du code de la santé publique).

La seule référence aux ordres des professions médicales s’agissant de l’exclusion de la double conciliation n’est pas de nature à rendre la disposition inapplicable aux kinésithérapeutes par parallélisme des formes a fortiori lorsque la procédure de l’article L. 4123-2 est applicable aux masseurs-kinésithérapeute. En revanche, nous allons solliciter auprès du ministère la rectification de cette anomalie.

 

Déroulement de la réunion de conciliation :

La réunion de conciliation se déroule dans un lieu fixé d’un commun accord entre l’OLAM et le CDO, ou à défaut au sein de l’organisme qui a reçu la plainte. Il est souhaitable  pour les raisons précédemment exposées que la réunion de la CMPCK ait lieu au sein des locaux du CDO. Nous vous invitons donc à prendre contact avec les organismes locaux d’assurance maladie pour convenir des modalités organisationnelles de ces réunions.

Le patient et le professionnel peuvent se faire assister de la personne de leur choix, ou représenter avec mandat.

En cas d’impossibilité d’assister ou de se faire représenter, le patient ou le professionnel peut formuler par écrit des remarques et justifier son absence.

Exceptionnellement, en cas d’impossibilité de réunir les participants et avec l’accord du plaignant et du professionnel, la réunion peut se dérouler en visioconférence ou conférence téléphonique.

A l’issue des échanges, si la commission constate la conciliation, la plainte est éteinte et un procès-verbal de conciliation est rédigé et signé par les parties et les membres de la CMPCK.

 

En cas d’absence de conciliation :

Si la commission constate l’absence de conciliation, elle indique sur le procès-verbal les points de désaccord et adresse le document signé par les parties et les membres de la CMPCK sous 8 jours au directeur de l’OLAM, au président du CDO et à chacune des parties.

A compter de la réception de la plainte et en l’absence de conciliation, le président du CDO doit transmettre la plainte à la CDPI, accompagnée de toutes les pièces et d’un avis motivé sur la plainte, le cas échéant en s’y associant, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception.

Le président du CDO informe le directeur de l’OLAM de cette transmission et ultérieurement de la décision de la CDPI.

 

En cas de récidive :

Il ne peut y avoir conciliation dès lors que la condition de récidive est remplie, à savoir que le professionnel visé par la plainte a fait l’objet d’une sanction définitive pour refus de soin discriminatoire dans les 6 années qui précèdent la réception de la plainte, prononcée par une juridiction ordinale ou par le directeur d’un organisme local d’assurance maladie.

Dans ce cas, la plainte est transmise à l’organisme pair qui n’en a pas été destinataire, puis à la CDPI par le président du CDO avec son avis motivé, dans le délai de 3 mois et en s’y associant éventuellement. Le président informe de cette transmission le directeur de l’OLAM puis  de la décision de la CDPI. Nous vous invitons à faire délibérer le conseil quand bien même la transmission est ensuite faite par le président à la CDPI. De façon constante, les juridictions civiles, administratives et disciplinaires demandent le PV de délibération du CDO donnant mandat à son président pour former une action juridictionnelle. Nous recommandons donc vivement de faire délibérer le CDO en amont de cette transmission au risque de fragiliser la procédure.

 

En cas de carence de l’ordre :

En cas de carence pour mettre en œuvre la conciliation ou pour transmettre la plainte en CDPI dans les 3 mois, le directeur de l’OLAM engage la procédure des pénalités au titre de l’article L 114-17-1 de code de la sécurité sociale selon les modalités fixées par l’article R. 147-14 du même code.

 

Bilan annuel par le CNO :

Le CNO adresse au ministre chargé de la santé, au ministre chargé de la sécurité sociale et au défenseur des droits un bilan qui précise : le nombre de plaintes reçues, le nombre de professionnels visés, le nombre de conciliations, le nombre de saisines de CDPI, le délai moyen de saisine et le nombre de sanctions.

 

Pour plus d’informations :